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Lexique: i, j, k, l, m

ID-TYVERI
Usurpation d'identitè.
        Bien sûr, on pourrait écrire plusieurs romans centrés sur l'identité. Qui suis-je ? Suis-je plus qu'une simple carte (d'identité) ? Celui que je crois être, ou celui que l'autre dit que je suis ? Suis-je ou ne suis-je pas moi-même ? etc. On peut avancer que de nombreux Français de Norvège ont adopté une identité molle… Enfin, l'identité est devenue une périlleuse notion politique (le discours identitaire). Nous nous limitons ici à l'IDN (votre Identité Numérique: choisissez un mot de passe sûr en alternant les majuscules et minuscules, les chiffres etc.; n'utilisez pas un mot de passe unique sur tous vos comptes et tous les sites, etc).
        L'usurpation d'identité est un cauchemar pour les victimes, que ce soit en France ou en Norvège. On estime que plus de 400.000 Français sont chaque année victimes d'une usurpation d'identité numérique (8.000 en Norvège) en 2023. Mais il existe aussi l'usurpation classque: "Pour Maya, une étudiante lilloise de vingt ans, les ennuis commencent il y a deux ans dans la métro, par le vol de son portefeuille. Rapidement la jeune fille découvre que le malfaiteur a obtenu des crédits via trois comptes bancaires frauduleux; préjudice total : 59 600 euros. Malgré son dépôt de plainte, Maya se retrouve rapidement fichée à la Banque de France, en interdite bancaire. Maya doit aussi constamment prouver sa bonne foi auprès de la SNCF et du Trésor Public, pour des amendes impayées." (France bleu nord) On en parle comme "le cauchamar absolu" car cela peut durer plus de 10 ans.
       Ce serait la même chose en Norvège, d'après nombre de témoignages, ainsi que la loi. L'ADFEN vous conseille de devenir un peu parano – mais pas trop quand même….


ISFISKE
        Le grand dictionnaire donne une explication et non une traduction: « pêche à travers un trou dans la glace ». Il s'agit de la pêche sur et sous la glace (on se tient dessus et on pêche dessous) qui correspond à 2 expressions en français: la pêche blanche, ou pêche au trou. Les Québécois préfèrent « pêche blanche », et les hexagonaux « pêche au trou ». Si vous êtes un fervent de Wikipédia, vous comprendrez que la page a été écrite par un Québécois: « L'origine de cette pêche proviendrait vraisemblablement des Amérindiens, ou plus particulièrement des Algonquins. » Tout Norvégien sait bien que ce sont les Vikings qui ont découvert l'Amérique et la pêche blanche, et non pas les Algonquins… Quoique.
        Nous recommandons à tout Français installé en Norvège de pratiquer chaque année au moins une journée de pêche au trou au milieu du désert blanc d'un lac ou d'un fjord gelé. Journée de méditation dans un silence glacé, journée au cours de laquelle vous montez une garde interminable au bord d'un trou et attendez un poisson ingrat qui ne mordra jamais (car le trou n'était pas fait dans la bonne zone du lac), journée au cours de laquelle vous croyez comprendre les Norvégiens. Dès la première journée, vous saurez que le plus important est d'être très chaudement habillé, et non pas d'attraper le plus gros poisson. Ce n'est pas vraiment une activité, c'est plutôt une expérience spirituelle ou contemplative.
        Un mot sur la technique de pêche: pilk / å pilke. C'est la « pêche à la dandinette » selon le grand dictionnaire, et c'est réellement l'expression la plus courante en France. Ce n'est pas vraiment une pêche d'intellectuel, et son côté mécanique (tirer, relâcher, tirer, relâcher, etc) permet au pêcheur de se perdre dans le néant blanc. Etant du sud, je préfère l'expression marseillaise « pêche à la palangrotte », pour cette technique simple: ça me rappelle ma jeunesse. Et la bouillabaisse, dont le poisson se pêchait à la palangrotte.
    Notes. 1. J'ai écrit ci-dessus que le néant est blanc, ce qui a fait naitre dans la section une controverse sur la couleur du néant. Typique de la gauche! Pour le néant, la section laisse évidemment à chacun de ses membres le choix de la couleur.   2. Il existait avant le début du réchauffement climatique un championat de France de pêche au trou dans un des lacs du Massif central. Fini depuis longtemps car la glace n'est plus assez épaisse, même à près de 1000 m d'altitude.

KALDT
        Ci-après, la réflexion d'un des membres de l'association: « On dit que l'individu qui a déposé ses valises sur un sol extérieur, pour moult années, « parle » la langue du cru et « comprend » la culture des ses nouveaux camarades. Je doute du pointu de l'analyse. Il faut se poser la question sur la validité de certains a priori affligeants du style « du moment que tu parles la langue, tu comprends et te fais comprendre », ou « de toute façon si tu tchatches l'anglais, tu te feras toujours comprendre », etc, etc. Or, il y a de fortes chances que ce soit un conseil mal calibré.
        On fait usage de l'expression « Aujourd'hui, il fait froid » (Det er kaldt i dag) en France et en Norvège, sans que cela pose un problème de compréhension majeure. Examinons, cependant, la dimension factuelle du propos. Pour cela, je voudrais vous faire part de mon modeste vécu.
        Ayant passé le tiers de ma vie à Cannes, je puis attester que la phrase « aujourd'hui, il fait froid » repose sur la fourchette de température +5 à +10 degrés Celsius et rien de moins. En dessous de +5, c'est proprement insensé, donc les mots nous manquent, nous sommes transis. La réaction au froid Cannois en général est : une densité accentuée de la peau de vison au m2 sur la Croisette, congés de maladie, et gros titres dans Nice-Matin du style « Vague de froid exceptionnelle – La manifestation pour le FN est reportée ».
        Éructer des phonèmes (à ce stade, les lèvres étant glacées, on fait surtout du ventriloquisme) "Det er kaldt i dag" , suppose une connaissance pertinente du froid et un respect du froid des autres. En effet une plainte sur le froid en Norvège, pour qu'elle soit jugée recevable, doit avoir établi que le thermomètre affiche au minimum -20º. C'est à Åndalsnes, bourg romsdalien sur la côte ouest, que j'ai eu la preuve de la différence notable entre +5 et -20. Oubliez vos moufles, et c'est vos doigts que vous laissez sur le capot du moteur qui ne démarre pas. La réaction sera alors de couvrir la peau de collants, d'affronter le froid malgré tout, et éventuellement d'équiper de chaînes les roues. Une véritable organisation (et une révolution culturelle pour un Cannois).
       Quand on sait qu'une variation de quelques degrés peut provoquer la désertification ou l'inondation de territoires immenses, quid des connotations évoluant autour de remarques anodines telles que « Aujourd'hui, il fait froid » ? C'est bien le degré d'interprétation de la phrase qui est au cœur du dialogue. Essayons de transposer cet exemple dans tous les domaines possibles, et on verra que parler la langue de l'autre, c'est seulement le début du commencement pour se comprendre. 


KOSELIG, en KOS, å KOSE, å KOSE SEG
       Koselig est traduit par la plupart des dictionnaires par sympathique, charmant, agréable. Å kose est traduit par câliner, faire un câlin. En kosestund devient un moment agréable ou tendre. Et å kose seg est rendu par se faire plaisir, passer le temps agréablement. On peut penser que ces traductions passent à côté de la plaque, car elles ne différencient pas koselig de behagelig, trivelig, sjarmerende, hyggelig, ou que le choix de ces mots est indifférent, ce qui serait absurde.
        Un Français entendant koselig a immédiatement à l'esprit l'image de la madeleine de Proust, c-à-d. un univers à la fois familial et chaud, petit-bourgeois et kitsch, ou un nid nostalgique, douillet et rétro-chic, ou, la chaleur du cocon familial et de l'esthétique populaires, ce qui est 'joli' ou 'mignon'. Å kose seg, c'est, comme Proust, tremper une madeleine dans sa tasse de thé.
        Dans des expressions très courantes: en kos foran peisen/koselig med peis (chaleur de la cheminée et nostalgie), lørdagskos/kosematen (souvent un plat simple et traditionnel – c.à.d. des tacos – avec un bon vin et toujours des bougies allumées), kose seg med en god bok (pas seulement lire, et surtout pas un roman de Proust), en koselig hytte (chalet traditionnel, avec fenêtres à petits carreaux, ameublement un peu vieillot et bougies allumées sur la table), så koselig! (comme c'est chouette/sympa! )…
        Pour un Français, ce que les Norvégiens qualifient de « koselig » est souvent (un peu) kitsch ou popu, ce qui ne rend pas le côté positif (pensé «chaleureux » par les N.), les F. n'ont pas le même rapport (une obsession) que les N. ont pour les bougies, et il faut avoir vécu longtemps en Norvège avant d'employer spontanément koselig ou å kose seg. En d'autres termes, koselig est difficile à bien traduire.
Note: une membre de l'association a demandé une rectification: d'après elle, dans la réalité, Proust ne trempait pas une madeleine mais une biscotte dans sa tasse. Il a parlé de madeleine par snobisme et parce que ça faisait plus joli; et il est vrai que ça fait beaucoup plus koselig


Mots nouveaux
      Influenser + følgere: influenseur + abonné.     Exemple: Ma mère est influenceuse sur TikTok. Elle s'est construit une très bonne image, et gère une communauté de quelques milliers d'abonnés. Elle travaille sur un secteur de niche: les produits bio. On parle aussi de tilhengere, c.à-d. des fans, pour les abonnés.
      Skolevegring + skolevegrer: la phobie scolaire (ou 'refus scolaire anxieux'). Un enfant touché par la phobie scolaire. On estime en France que cette phobie touche près de 2% des élèves, et en Norvège, 3,5%. Attention: ces chiffres ne sont que des estimations.