Editorial février 24
      Comme prévu, ici en Norvège, les travaillistes ont perdu les élections locales à l'automne. Le pire, c'est qu'ils ne comprennent pas pourquoi ils ont perdu. C'est donc la faute aux électeurs qui n'ont pas fait l'effort de comprendre leur politique obscure (il faut plaire aux populistes de SP et donc se démarquer de la gauche et des verts). Et Støre répétant qu'un parti minoritaire doit savoir faire des concessions, la droite est assurée de gouverner après les prochaines élections. Misère !
      Comme prévu, en France, le mécontentement continue. Après les gilets jaunes, il y a eu les grèves contre l'âge de la retraite, les manifestations paysannes, etc. Face à cette grogne constante, Macron, via Borne et Darmarin, a eu la réponse classique de l'extrême droite: faire passer les lois en force grâce au 49-3, et, plus de police et achat de véhicules blindés pour mater les rebelles (assurer l'ordre). Pourtant, ces dernières années, Macron avait désigné son ennemi : le Rassemblement national (RN). Le parti d'extrême droite distance largement le camp présidentiel ou la gauche dans les sondages à l'approche des élections européennes de juin, même si Macron a fait voter un texte xénophobe, "victoire idéologique" de Marine LePen. Avec ces dérives vers la droite extrême, qui pourra encore croire que Macron veut faire barrage au RN, comme il le déclare: il fait, au contraire, le lit du RN.
      Avoir nommé Attal comme 1er ministre ne change rien, au contraire. "Le premier combat de mon gouvernement, c'est le travail » a-t-il déclaré le 30 janvier, après sa nomination. "C'est veiller à ce que ceux qui se lèvent tôt, qui travaillent, gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas". On en est encore à «La France qui se lève tôt», mantra de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.17 ans plus tard, la rhétorique de Gabriel Attal est la même, classique à droite de l'échiquier politique, et, le résultat du solide libéralisme est que le nombre de smicards a augmenté et que de plus en plus de gens font la queue à la soupe populaire..
      Est-on dans des années de crises, ou est-ce que j'ai noirci méchament le tableau ? Selon le baromètre annuel de la confiance politique réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po après la nomination de Gabriel Attal à Matignon, seuls 28% des Français ont confiance dans le gouvernement, seulement 24 % des enquétés considèrent que l'on vit en France dans une société juste, 3 % seulement étant « tout à fait d'accord » avec cette idée. Ce pourcentage ne varie guère selon l'âge (19 % pour les lycéens, 23 % pour les retraités), ni même selon la profession des répondants. Pire encore, il y a un sentiment général de mépris social: pour 68 % des enquétés, la France reste une société dans laquelle beaucoup de gens se sentent méprisés. Illustration: au salon de l'agriculture, face aux agriculteurs en colère, Macron leur a dit que cette manifestation est "contre-productive" et qu'ils sont manipulés par le RN ! Incroyable mépris pour des gens qui se lèvent pourtant tôt !
      Dialogue social à la Macron: il est clair que Macron et ses députés n'ont besoin d'écouter ni les paysans, ni le reste de la population, car ils savent déjà ce qu'il faut faire: la France a besoin d'ultra-libéralisme, de "tachérisme". Et il est aussi clair que l'extrême droite capte le mécontentement populaire et les groupes qui ne se sentent pas entendus ou compris. Idem en Norvège. L'allié de Macron, F. Bayrou, a ironisé sur "la politique hors-sol" de Macron, (norsk: uten bakkekontakt) c-à-d. déconnectéedes des réalités, décidée dans un bureau parisien. Misère ! Ce ne sont pas les "assemblées citoyennes", chères à Macron, et formées de gens soigneusement triés, qui vont changer cet état de choses…
      Le 9 juin approche, enjeu: l'Europe, dans laquelle les Français ont beaucoup plus confiance que dans leur gouvernement actuel, selon les sondages…

Editorial, avril 23: Vivement la retraite !
      Vues d'ici, les manifs françaises contre la retraite à 64 ans sont totalement incompréhensibles, et les journalistes norvégiens n'ont pas du tout essayé d'expliquer le phénomène. Ici, on pense que les Français adorent manifester, c'est dans leurs gènes… Personnellement, j'ai travaillé jusqu'au jour de mes 70 ans en Norvège, mais je ne l'aurais jamais fait en France. Il est très courant d'entendre "Vivement la retraite" en France, mais pas souvent "Det haster med pensjon" en Norvège. C'est parce qu'en France, le 'dialogue social' est quasi inexistant, que les cadences de travail sont usantes et quelquefois traumatisantes, que le DRH/l'employeur ne s'intéresse pas souvent à la santé de ses employés (ils représentent un coût, le cout du travail), et que les libéraux au pouvoir pensent seulement en termes de chiffres et de compétitivité par les salaires. Les patrons français font la chasse aux coûts, intensifient le travail, le déshumanisent, et ils se battent contre 'les charges'. Le chiffre est roi ! Contrairement à ce qui se passe en Norvège, pas d'investissement dans la qualification/formation des salariés, leur protection, la qualité des emplois, l'innovation… Bien sûr, ici, la participation des employés aux décisions est (trop) souvent formelle et non pas réelle, mais la loi oblige au moins à donner cette illusion, et les salaires norvégiens sont plus élevés qu'en France, même si le SMIG n'existe pas.
      64 ans ? Grâce aux conditions de travail françaises, un ouvrier homme peut espérer vivre sans incapacité jusqu'à 62,4 ans en moyenne (contre 74 ans pour les cadres), il a un nombre important d'arrêts-maladie à partir de 58 ans à cause d'une santé dégradée et donc il ne cotise pas assez, et 14% des ouvriers sont déjà morts à 62 ans. Tout cela ne concerne pas seulement les ouvriers en usine ou le personnel soignant, mais aussi toute une série de 'nouvelles professions', comme les informaticiens, les chauffeurs-livreurs, les aides à domicile, etc. Aussi, les survivants profitent peu d'une retraite au montant amputé… Quant aux femmes, ce sont les laissées-pour-compte de cette réforme inepte et injuste, mais bien acceptée par les cadres supérieurs.
      Macron et notre député Holroyd, qui n'ont pas le vécu d'un travailleur, disent qu'ils ne comprennent pas, répètent que cette réforme est indispensable pour la préservation du système des retraites, ce qui est vrai quand on est un bon libéral : réformer le travail avant de réformer les retraites serait dur à faire avaler aux patrons français et prendrait du temps. Cette prolongation d'une lutte des classes dont les libéraux sont responsables est pourtant totalement anachronique. Ils parlent de "renouer le dialogue avec les forces syndicales", alors qu'il n'y a pas eu du tout de dialoge ces dernières années, mais seulement une forte augmentation des forces de police. Le Conseil de l'Europe (tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le Syndicat de la magistrature, etc, etc) s'alarme d'ailleurs d'un "usage excessif de la force en France", mais cela n'alarme pas Macron... Affligeant !
      Côté Norvège, c'est la chute libre, dans les sondages, des travaillistes et du centre populiste qui fait jaser. C'était pourtant prévisible: les électeurs travaillistes n'ont pas voté pour voir appliquer la politique inconsistante de SP. Autant voter ailleurs, si c'est là le résultat ! Mais le parti travailliste préfère expliquer ce mauvais score par le classique enneni de l'extérieur (la guerre en Ukraine, le gaz russe, etc), au lieu de comprendre que coucher avec les centriste a un prix… Au fait, pourquoi SP, le parti des paysans et des périphériques s'appelle "parti du centre" ? Curiosité locale…

Editorial, janvier 23: place aux pauvres
      Meilleurs vœux ! Ce qui change en 2023: L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa, ex 'minimum vieillesse'). Le gouvernement se vante que cette allocation a été revalorisée de 0,8 % au 1er janvier 2023 par rapport à son montant du 1er juillet 2022, augmentation gigantesque en cette période de forte inflation dans l'alimentation. Le minimum se monte maintenant à 961,08 € par mois pour les personnes seules et à 1 492,08 € par mois pour les couples. Royal ! Selon les chiffres de l'INSEE, il y aurait 330.000 sans abri en France, et, d'après la Fondation Abbé Pierre, l'Etat "mène une politique parfois contre les pauvres"…      Selon service-public.fr, "La moitié des personnes âgées de plus de 65 ans vivant seul(e) avec des revenus inférieurs à 961,08 € par mois n'ont pas recours à l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), alors qu'elles y ont droit. Elles se privent ainsi de plus de 200 € de ressources mensuelles en moyenne, selon une étude réalisée en 2022 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)." Le ministère oublie de signaler qu'il faut, en pratique, avoir un ordinateur et accès à Internet pour faire la demande, et que les retraités à très faible revenu n'ont, en pratique, ni ordinateur ni accès à Internet… Macron, le président des riches ? Vous plaisantez !       En Norvège où le coût de la vie est beaucoup plus élevé, "minste pensjonsnivå" se monte à 200.500.- par an et cela concerne 16% des vieux, dont 85% de femmes. Les vieux qui vivent seuls bénéficient d'un minimum plus élevé: 233.000.- Pour avoir droit au minimum vieillesse, il faut avoir vécu au moins 40 ans en Norvège. Minstepensjon s'appellera bientôt garantipensjon. Le SMIG       Les différents gouvernements de Macron se sont battus pour revaloriser le moins possible le SMIC, en expliquant que pour gagner plus, il faut travailler plus (c'était déjà le slogan de Sarko). Le SMIG mensuel est de 1.353 € depuis le 1er janvier 2023, net (après déduction des cotisations salariales), soit 16.237 €/an. Un Eldorado ! Quant aux sans-papiers, on leur propose en général 50% du SMIG. Le nouveau discours officiel actuel est que pour gagner plus, il faut travailler plus longtemps (effet de l'âge de la retraite), ce qui avait déjà été expliqué quand Sarkozy avait reculé à 62 ans l'âge de départ à la retraite. Une grande partie du discours de vœux de Macron portait sur ce "travailler davantage" en ce début d'année. Mais pas un mot sur la dureté et le sens du travail, ou sur le montant des retraites… On comprend que les smicards ne voient pas de claire différence entre les 2 présidents (mais ils ne votent pas!), et que le discours de Macron soit résumé par certains comme "Travailler plus pour perdre moins".

Editorial, juin 22: Déception
      Voilà, le 2e tour des législatives est passé. Le 1er parti en France est celui des abstentionistes: 54% des inscrits, un peu plus que pour la présidentielle. Ce sont surtout des jeunes: 70% des 18-24 ans et 66% des 25-35 ans , qui, plutôt qu'aller voter préfèrent afficher leur opinion sur les réseaux sociaux. Et puis, ce sont les pauvres: 64% des smicards se sont abstenus car ils pensent que voter ne sert à rien. Macron et les députés ont été élus surtout par des vieux et les cadres, qui sont surreprésentés parmi les électeurs… On est dans un cercle vicieux : ceux qui ne votent pas ne peuvent faire entendre leur voix, et les élus n'ont aucune incitation à tenir compte des intérêts des abstentionnistes…
      Les macronistes (Ensemble, Horizons, Modem) ont obtenu 246 sièges, la NUPES (RFI, PS, EELV, Génération, PC) 142 sièges; et seulement 37% des députés sont des femmes.
      Bien sûr, lors de la dernière session à l'Assemblée, avant les vacances, pour le vote sur le pouvoir d'achat, la droite (LR) a soutenu la droite (divers macronistes), oubliant toute la partie de la population qui n'a aucun réel 'pouvoir d'achat', mais ne vote pas. Et notre ministre de l'intérieur, Darmarin, s'agite beaucoup pour rallier l'extrême-droite à Macron. Misère !

Editorial, avril-mai 22: Exercices de simulation
      Après s'être déguisé en 'de gauche' sous Hollande, puis avoir fait semblant de se croire 'du centre', alors qu'il est réellement de droite, Macron a raconté qu'il arrive ainsi à une neutralisation ("je ne suis ni de gauche, ni de droite"), un fantasme de 'dépassement des clivages'. Il est vrai que Macron est contemporain de la montée de l'infox ("fake news"). C'est ce qui justifie le fait qu'il nous demande de prendre le faux pour du vrai et de faire semblant de prendre le vrai pour du faux. C'est ainsi qu'il se pose en défenseur de l'environnement en organisant une conférence à Paris, puis dans la foulée, il réautorise l'emploi des glyphosates dans l'agriculture française, et verse une larme de crocodile en apprenant que le jour du dépassement des ressources tombe déjà le 5 mai en 2022. Heureusement pour l'Europe qu'il a été réélu, explique-t-il !
      Sous Macron 1, les riches se sont enrichis et les pauvres se sont appauvris, ce qui est normal quand les libéraux sont au pouvoir. Mais dans son discours d'investiture, il promet de nouvelles aumônes pour les pauvres, comme le "chèque alimentaire" (100 € par foyer) qu'il avait créé pour empêcher les pauvres de mourir de faim, ça fait désordre. Il est clair que pour le président de la République, il y a 2 sortes de pauvres: les bons et les mauvais. Les uns, patients, humbles, modestes, acceptant avec reconnaissance la charité que Macron leur distribue avec parcimonie (le RSA se monte à 850 €/mois, ce qui insuffisant pour survivre, mais…); les autres, fainéants, menteurs, ennemis de l'ordre, insoumis, ivrognes et impudiques, qui passent leur temps à se plaindre, revêtus ou non d'un gilet jaune. Des gueux, en somme. Parmi ces derniers, de nombreux chômeurs ou petits retraités, et il est bien connu que l'oisiveté est la mère de tous les vices, comme Sarkosy le disait déjà à son époque. Que triomphe la morale bourgeoise !
      Mais parler des pauvres, relève de l'infox, car depuis que Macron est président, les pauvres n'existent plus en France. Les 5 millions de Français très concernés sont devenus "les plus fragiles", "ménages aux revenus modestes", etc, dans les statistiques officielles sur la pauvreté. Voir les rapports de l'INSEE et autres instituts à ce sujet. Il est vrai que n'existent plus non plus depuis longtemps 'les miséreux' et 'les indigents'.
      Nous voici donc partis pour Macron 2. Cinq nouvelles années de contestations et de gilets jaunes, résultat des décisions et aussi du style de Macron, si nous lui accordons une large majorité à l'assemblée nationale. Il va falloir retrousser les manches pour éviter au pays ce désastre…

                Pierre

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